La demande pouvait sembler incongrue : inviter des vigneronnes et des vignerons à parler de la bouteille de l’autre, au moment de dresser la table des fêtes. La culture de la vigne, celle du vin sont suffisamment teintées de passion et d’émotions, qu’elles ouvrent pourtant sur ce partage.
Elles et ils se sont ainsi prêtés au jeu, celui d’accorder le vin de l’autre à un plat ou à un mets, parfois par complicité avec les vignerons choisis, toujours avec admiration et fierté pour l’œuvre accomplie.
Le travail du vin se lit en effet sur le temps long, les aléas de la vigne, la maturation du raisin, la vinification de la vendange, l’élevage, le vieillissement, la garde enfin. Il est à l’image du formidable pas en avant réalisé par le vignoble corse, pas de géant pour tous les amateurs du vin.
Cette sélection s’est ainsi nourrie d’une autre certitude. Au moment de choisir les vins qui accompagneront les repas de fêtes, il n’est plus forcément nécessaire de regarder ailleurs. Quelle que soit la couleur, ou l’accord recherché, les vignerons corses, qu’ils travaillent en cave particulière ou en regroupement coopératif, sont en mesure d’apporter la note juste. Et surtout la touche d’une identité, d’une originalité qui, désormais, ont tracé leur chemin : sciaccarellu, niellucciu, vermentinu, biancu gentile, minustellu, carcaghjolu neru, la gamme des cépages autochtones remis au goût du jour est si large, qu’elle offre des compositions et des cuvées vraiment inédites.
Éric Poli, Christian Estève, Gilles Seroin, Pierre Acquaviva, Christian Orsucci, Jean-Baptiste de Peretti Della Rocca, Marie-Brigitte Poli, Françoise Giudicelli se sont ainsi révélés des guides avertis. Ils aiment leur métier et le vin, c’est une certitude. Et, supplément d’âme, leur plaisir est gourmand.
À la tête de centaines de producteurs, et du plus puissant regroupement dans l’île, Christian Orsucci (Cave d’Aleria) a beaucoup œuvré à changer l’image de la coopération viticole en Corse.
La cave d’Aleria innove ainsi en matière de vinification, tirant le meilleur des cépages autochtones, se lançant à son tour dans des cuvées pointues, parfois à l’avant-garde. Ce sera l’une des seules exceptions à cette séquence, mais sa cuvée L’Eterna, un 100 % vermentinu élevé en amphores, peut pour les fêtes accompagner les fromages, avec ses « notes d’abricot et de pêche de vigne ». Il en a été produit 4 000 bouteilles, signe après d’autres, que les caves « coopé » peuvent aussi s’intéresser aux micro-cuvées.
Sur le cabri en sauce, souvent convoqué, Christian Orsucci penche pour le Storia di Corni Mozzi du Clos Culombu qui, sur l’appellation Calvi, excelle justement dans ces cuvées de nature presque confidentielle. « Un nez puissant, une bouche très structurée », ajoute le vigneron.
Les vignes de la Cave d’Aleria baignent aussi dans la douceur des étangs. Les huîtres ne sont ainsi jamais loin des repas de fêtes. Le Pumonte blanc d’ Alzipratu , un vermentinu encore, toujours à Calvi, est le choix de Christian Orsucci, un vin « élégant, vif » qui peut encore accompagner les poissons.